La disparition subite de cette grande figure de la scène littéraire contemporaine, de ce grand intellectuel et infatigable homme de lettres plongea ses proches, ses amis et le monde de la culture dans l’émoi et la douleur de l’ultime départ.
Le vibrant hommage que lui avait rendu la Tunisie qu’il n’avait que trop aimée et servie par le verbe et la plume, témoignait de l’estime et de la reconnaissance qui lui étaient dues pour son immense talent d’écrivain et d’humaniste.
A Djerba, l’île qui le vit naître le 21 juin 1929, la nouvelle de sa disparition fut ressentie avec la douleur de la perte de l’enfant prodige qui lui avait tant donné et qui aurait pu encore beaucoup lui donner, sans cette tragique maladie qui avait fini par le terrasser et avoir raison de lui.
Son parcours professionnel exceptionnel, ses activités culturelles intenses et ses engagements associatifs n’étaient pas pour lui permettre de renouer le contact avec son île à laquelle il ne se rendait que dans le cadre de ses tournées incessantes à travers toutes les régions du pays, quand il était directeur responsable des bibliothèques publiques.
En 1988, lorsque l’Association pour la Sauvegarde de l’île de Djerba organisa une exposition consacrée aux écrits djerbiens, notre cher regretté fut invité en reconnaissance de son œuvre abondante et de son talent. Cette heureuse occasion constitua un tournant significatif dans sa vie, le déclic annonciateur de la « réconciliation » effective et affective de l’enfant prodige avec son île natale.
Depuis, sa vie n’avait été qu’un va-et vient continuel et incessant entre la capitale et Djerba, faite de louables services rendus à cette île, sans calcul, avec dévouement et spontanéité. Son charisme, son franc-parler, son éloquence et son humour toujours présent lui valurent le respect, l’estime et la sympathie de celles et de ceux qui l’approchaient et le côtoyaient. Il eut le mérite de sortir de l’ombre de l’oubli certaines personnalités et hommes de lettres insulaires tombés dans l’anonymat, en se chargeant de leur biographie : les journalistes CHeikh Slimane El Jedoui(1871-1951), Béchir El Fourti(1884-1954), Tijani Ben Salem, et le militant nationaliste Salah Ben Youssef.
Il assistait, sans jamais se lasser, en dépit du long et harassant déplacement à effectuer, à tous les rendez-vous littéraires ou culturels auxquels il était convié : le Colloque d’histoire de Béchir Tellili à Midoun, le Colloque Farid Ghazi de la littérature arabe à Houmt-Souk, le Colloque Slimane Jedoui à Adjim, dont il fut d’ailleurs l’initiateur.
En homme de lettres généreux et altruiste, Feu Si Jilani fit don d’une partie de sa bibliothèque personnelle au profit de la bibliothèque publique de Midoun, son village natal.
Quelle grandeur d’âme et quelle générosité, que de faire don de 700 livres, et pas des moindres ! L’Assidje, qui était l’initiatrice du renouement du contact entre notre cher regretté et son île natale, comme lui-même tenait toujours à le répéter, est reconnaissante à l’œuvre remarquablement noble de Si Jilani, aux innombrables services rendus à son île.
Il avait beaucoup d’estime pour cette association et il tenait toujours à être informé de ses activités auxquelles parfois il prenait part ; de son vivant, son nom était étroitement associé à l’Assidje, et il devra le rester et sa mémoire demeurera vive pour y planer à jamais : telle était la volonté de son comité directeur qui s’était résolu à consacrer la salle de lecture, que si Jilani affectionnait particulièrement de par le trésor des livres et des documents dont elle regorge, pour porter indéfiniment son illustre nom, d’une part et à organiser périodiquement un séminaire qui porte son nom.